« Je remercie les bénévoles de La Cimade qui nous ont aidés à rendre nos scènes crédibles. Car même si nous faisons des comédies, nous recherchons également le réalisme ». C’est ainsi qu’Olivier Nakache, réalisateur avec Eric Tolédano de Samba, a introduit la projection de son film (suivie d’un débat) devant les bénévoles de cette association qui aide les migrants et les demandeurs d’asile à faire valoir leurs droits.
C’est tout le sujet de ce dernier opus des auteurs d’Intouchables : retracer le parcours du combattant de personnes sans-papiers dont certaines travaillent en France depuis de nombreuses années, comme le héros du film incarné par Omar Sy.
Les deux réalisateurs se sont d’abord inspirés du livre d’une bénévole de la Cimade – « Samba pour la France » de Delphine Coulin – avec qui ils ont écrit le scénario. L’auteur, présente lors du débat, a confié qu’elle avait eu envie de sortir du ronronnement des chiffres servis par les médias et les politiques sur ce sujet pour retracer des parcours de vie. « Dans mon entourage, dès que je partageais les récits des personnes que je recevais lors de mes permanences, je sentais que je les sensibilisais beaucoup plus. Les chiffres, ça déshumanise », a-t-elle constaté.
Les deux réalisateurs ont fait part de leur scénario aux dirigeants de La Cimade et ont filmé certaines scènes avec des bénévoles. Un gage de réalisme ? « Il y a beaucoup de scènes réalistes en effet et qui font passer des messages : celle du tribunal qui décrit bien la violence administrative dont les personnes sans-papiers sont victimes, celle du centre de rétention, un lieu qu’on ne montre jamais, celle aussi du mode de recrutement de ce type de travailleurs par des employeurs qui profitent de leur condition, etc. Je regrette simplement que les auteurs et les acteurs ne s’emparent pas davantage du sujet lors de la promotion pour le porter politiquement », a réagi Jean-Claude Mas, secrétaire général de La Cimade. Delphine Coulin a nuancé ce point de vue : « après le succès d’Intouchables, Olivier et Eric pouvaient faire ce qu’ils voulaient. Ils ont choisi un sujet difficile. Alors, oui, ils n’ont pas voulu être clivant mais c’est à ce prix que le film est grand public et qu’il touchera un nombre beaucoup plus important de gens qu’un livre. La comédie, c’est un bon moyen pour faire passer des messages. »
Et vous, vous en avez pensé quoi de Samba ?
Bonjour
Pour moi, ce film est une réussite car il montre, par le charisme des acteurs, par l’actualité du sujet traité, par l’authenticité des situations, une réalité que nous avons du mal à percevoir si nous ne nous intéressons pas « de près » à ce sujet de société. J’ai ri mais j’ai aussi pleuré, pleuré de notre politique européenne qui laisse si peu de place à l’étranger « pauvre ». Je pense que nous nous rendons coupables, avec nos dirigeants, par notre résignation, de crimes aussi horribles que des crimes de guerre, car nous sommes bien entrés en guerre contre les pauvres !
J’avais un peu peur de voir un film un peu mièvre,sur une réalité douloureuse et violente que j’appréhende un peu plus chaque semaine depuis maintenant sept ans en tant que bénévole dans une permanence « Migrants » de la Cimade.
J’ai été très heureusement surprise. C’est une excellente comédie où l’on rit beaucoup . Les dialogues sont enlevés, pleins d’humour et servis par des acteurs habités.
Mais en même temps, Olivier Nakache et Eric Toledano parviennent à aborder la plupart des problèmes des migrants sans papiers : La violence des Centres de rétention, l’opacité du langage juridique et des procédures, l’inhumanité des interminables files d’attente dans les préfectures, la brutalité du travail au noir…
Je pense qu’un discours politique forcément clivant enlèverait une partie de sa force au film.
Juste un bémol sur les permanences de la Cimade. Les scènes sont drôles et la difficulté de communication donne souvent lieu à des incompréhensions. Mais je crois que les réalisateurs auraient gagné (et nous aussi) à être moins manichéens.
J’ai appris depuis sept ans ce que peut-être une vraie reconnaissance de la part de migrants à qui nous tentons d’apporter non seulement une aide juridique sérieuse mais aussi un soutien psychologique par l’écoute patiente que nous apprenons à avoir.
Bravo à toute l’équipe de ce film.
Allez le voir.
Émouvoir et faire rire, les deux metteurs en scène ont sans doute voulu jouer sur ces deux registres, et ils y parviennent : magistralement en ce qui concerne le rire, si j’en juge par les éclats de rire tonitruants de mon voisin-invité (un ex sans papiers haïtien ; je continue à le « suivre » et l’avais orienté vers la figuration l’hiver dernier) et certainement aussi en ce qui concerne l’émotion, d’après les témoignages recueillis à la sortie.
J’émettrai, en revanche, plus que des réserves sur l’idylle entre la bénévole « space » et Samba, et plus généralement sur les bénévoles mis en scène… mais somme toute c’est de peu d’importance, et la galère des sans papiers est très efficacement montrée, sans pathos.
C’est vrai que les chiffres, ça déshumanise. L’immigration devient uniquement une bataille idéologique entre la gauche et la droite, largement instrumentalisée notamment par l’extrême droite – voir la visite de Marine Le Pen à Calais. On oublie assez vite que derrière ces chiffres se cachent des êtres humains fuyant la misère, l’oppression, etc. Le film montre des bouts de ces réalités là et c’est déjà très bien. Sans occulter du reste la pression de la famille restée au bled pour l’envoi d’argent ni l’obligation de réussite, question d’honneur et de fierté, dont parle l’oncle de Samba et qui peut empêcher le retour au pays. Cette problématique est suffisamment importante sur le plan humain, politique, etc. pour la traiter justement sans caricatures et en prenant en compte tous ses aspects. C’est encore et toujours de nuances dont nous avons besoin et de clairvoyance. La plupart des chiffres balancés sur les plateaux télé sont faux… Ayons déjà le réflexe de les vérifier avant d’énoncer des lieux communs.
On vous propose une chanson pour compléter le film : Magie des blancs. Voir ici : http://www.youtube.com/watch?v=UgdGGfaO2Ns
Et ici : http://www.magiedesblancs.com qui retrace toute l’histoire de cette chanson, enregistrée avec de grosses pointures de la musique africaine (Cheick Tidiane Seck, Paco Serry, Régis Gizavo…), qui ont tenu à soutenir ce projet réalisé au profit de RESF