Voir également dans la rubrique Tribunes « Nicolas Yumper en son pays »

« Entreprendre, c’est déjà réussir ». Le slogan de la Yump académie, initiative suédoise lancée en France en 2013, résume bien son état d’esprit : de l’audace, toujours de l’audace. Son credo : accompagner les entrepreneurs en herbe durant six mois à plein temps via de la formation, du coaching et des immersions chez des entreprises partenaires. En France, le dispositif se concentre sur les quartiers difficiles et c’est principalement en Seine-Saint-Denis que le premier recrutement s’est effectué selon des critères précis : outre leur origine géographique, les Yumpers – c’est leur nom – devaient être âgés de 20 à 40 ans et porter un projet fort, ambitieux et réalisable. En d’autres termes, l’académie vise l’émergence d’entreprises à haut potentiel de croissance, favorisant le développement local et la création d’emplois.
L’an dernier, la structure a reçu une centaine de dossiers et le comité de sélection composé de partenaires publics et privés en a choisi 21, 15 recrues ont été au bout des six mois. « La personnalité des porteurs de projet a été déterminante, explique Serge Malik, l’un des fondateurs. Pour intégrer Yump, il faut être un entrepreneur déterminé, ambitieux, responsable et engagé dans le projet. Nous avons notamment privilégié les personnes qui allaient pouvoir profiter au maximum de la formation dispensée ».
Ladite formation, totalement gratuite, comprend des modules en e-learning sur les différents aspects de la création d’entreprise (ciblage, offre, marketing, statut juridique, etc.). A chaque étape de leur apprentissage, les Yumpers doivent mener à bien des missions (trouver dix clients susceptibles d’être intéressés par leur service, par exemple). Chaque lundi, accompagné par un coach, ils présentent leur projet au groupe et l’affinent semaine après semaine.

De l’importance de l’état d’esprit

Régulièrement, les entrepreneurs en herbe suivent également des formations nomades : en résidence chez les sociétés partenaires (Mercuri Urval, Microsoft, LCL, etc.), ils se familiarisent avec un logiciel, apprennent les rouages du financement d’une entreprise, etc. Des connaissances indispensables à l’épanouissement de leur projet. Mais le bienfait majeur de Yump est sans doute ailleurs. « Les quartiers ont une image désastreuse et cela rejaillit durement sur les personnes qui y vivent. Elles manquent souvent d’assurance et d’estime d’elles-mêmes. Or, chez nous, durant six mois, les Yumpers parlent d’égal à égal avec des experts de grandes entreprises, partagent leurs idées… Grâce à cette dynamique, ils acquièrent peu à peu de la confiance et changent leur état d’esprit », affirme Serge Malik. Laura Bianquis, leur coach, abonde : « Notre objectif, c’est qu’ils acquièrent des réflexes de chef d’entreprise, qui ont pour noms confiance, énergie, persévérance, travail, et qu’ils lèvent les obstacles qui peuvent grever l’envie d’entreprendre. En les voyant tous les lundi, j’ai assisté à leur transformation. Petit à petit, ils ont changé de posture et ont endossé celle d’entrepreneur ».
Une mue liée à une dynamique de groupe porteuse, mais qui ne fait pas l’économie des cas particuliers car chaque Yumper de la promotion 2013/2014 a son propre parcours, ses atouts, ses difficultés et aucun n’avance au même rythme. Leur dénominateur commun, en revanche, c’est l’envie de réussir, chacun dans leur domaine : Dalila veut développer une marque de lingerie de luxe « made in France », à destination des femmes du Moyen-Orient, Moussou souhaite lancer un site Internet dédié à la vente de produits capillaires multi-ethniques naturels ou bios, Amine a l’ambition de créer la première enseigne de restauration autour de la semoule, Albin rêve d’ouvrir une salle de sports dédiée aux sports de combat multidisciplinaire… Et puis, il y a Sarah, 32 ans, ancienne championne de France, d’Europe et du monde de boxe anglaise. Son projet à elle a pour nom « Boxing & cie » ; elle propose une gamme de services liés à son sport : des cours de boxe au sein d’entreprises, des séances de team building pour un groupe de salariés et, à terme, des programmes de formation individuels sur six mois pour mettre à profit les apprentissages de la boxe dans sa vie personnelle (goût du challenge, confiance, prise de risques, etc.). Quand elle intègre Yump académie, Sarah ne connaît pas grand chose au monde de l’entreprise. Elle va d’abord y trouver un accompagnement global lui permettant de mieux appréhender les aspects financiers, juridiques, stratégiques, etc. Mais pas seulement. « Mon projet a avancé beaucoup plus vite grâce à Yump, explique la jeune femme. Mais surtout, cela m’a permis de changer d’état d’esprit. J’y suis entrée avec plein de doutes sur mes capacités à aller au bout de mon idée ; je n’étais pas convaincue d’être crédible, d’avoir le réseau suffisant, etc. Six mois après, je suis totalement rassurée et je n’ai plus d’excuses. C’est parti : j’y suis prête. » Sarah a déposé ses statuts peu de temps après la fin de la formation et répond déjà à plusieurs sollicitations, au sein du réseau d’entreprises gravitant autour de Yump notamment, l’un des atouts non négligeables du dispositif qui prévoit, par ailleurs, un suivi des projets sur plusieurs années.

Une académie qui fait des petits

Forte de son premier succès, l’association Yump cherche déjà à se développer. Dès la rentrée 2014, outre celle de Seine-Saint-Denis, elle va ouvrir des académies dans le Val de Marne, en Essonne et en régions (à Marseille ou Clermont-Ferrand), avec des cohortes à chaque fois d’une trentaine de Yumpers. De quoi permettre l’émergence de nombreux chefs d’entreprise prêts à transformer le monde. Car, selon Serge Malik, « un entrepreneur, c’est comme un artiste : avec son énergie et ses idées, il a envie de faire bouger les lignes et de changer les choses, près de chez lui ou à l’autre bout du globe ».

Anne Dhoquois
En partenariat avec le Centre des jeunes dirigeants

CJD