Photos fournies par l’association : © Yves Monteil

 CONTEXTE : Au Breil, quartier sensible de Nantes où se côtoient des populations aux origines multiples, Marï-Am Sao est une figure. Fondatrice de l’association de solidarité locale et internationale Tak-Après (devenue Tak-Chez nous) qui œuvre dans le quartier depuis 1999, cette trentenaire à la triple culture (française, peulh, arabique) a une conviction chevillée au corps : l’inter-culturalité est un vecteur de cohésion sociale. La question est : comment faire fonctionner ensemble ces populations en actant le flux migratoire comme une réalité de ce pays devenu métissé et en aidant les migrants à être acteurs de leur territoire ?

AUX ORIGINES : Lors de divers voyages, au Brésil notamment, Marï-Am Sao découvre des lieux ouverts par des femmes des favelas pour échanger entre elles, se vendre leurs productions, troquer des savoir-faire et des services… Elle va s’en inspirer pour imaginer « Chez nous » non sans confronter son idée à la réalité du terrain. Une étude de faisabilité est ainsi menée pour conclure qu’un service de pressing répond à un réel besoin sur le quartier. Les maris des femmes du Breil ont également reçu sa visite pour les convaincre de l’intérêt de la démarche. « Chez nous », géré par Tak-Chez nous sur le plan administratif, ouvre en avril 2010, dans un local d’une cinquantaine de m2.

MISE EN ŒUVRE : « Chez nous », lieu collectif, convivial de proximité, ouvert à tous, est équipé (grâce à des dons, de la récup’ et des subventions) de machines à laver, tables à repasser, machines à coudre… Il permet aux femmes de vendre des prestations tel que des retouches, un service de pressing et de ressourcerie mais aussi d’organiser des sorties culturelles ou de bien-être et de participer à un séjour au Sud. Une façon de valoriser leur savoir-faire et leurs envies – les activités naissent à partir de leurs propositions comme le restaurant éphémère servi et cuisiné une fois par mois ou la vente de vêtements cousus à partir d’éléments de récup’ ou inspirés par les tenues africaines -, de les rendre actrices de leur territoire et de développer leur autonomie par rapport à leurs maris. Elles sont quatre à bénéficier de CDD à temps partiel, de quoi apporter de l’argent au ménage et une centaine à être actives dans la structure pour faire vivre le lieu qui fait également office de bar du coin. Certaines organisent à tour de rôle des gardes d’enfants solidaires et toutes entretiennent un lien de solidarité avec des femmes et des enfants d’Afrique noire (un séjour au Sud est organisé chaque année) et avec des personnes âgées du quartier. Enfin, des femmes rom en quête de sédentarisation viennent se former à « Chez nous » pour une meilleure intégration sur le territoire. D’ores et déjà, un petit « Chez nous » (baptisé Romsi) a vu la jour dans un campement Rom à Indre (44).

Outre l’argent récolté grâce aux prestations (représentant 60% du budget), « Chez nous » est également subventionné (Etat, Ville, Agglomération, région), notamment pour le travail de médiation sociale qui y est mené : des sorties hors du quartier, au hammam par exemple, facilitent les confidences et peuvent mener à des orientations vers des travailleurs sociaux.

L’idée a depuis essaimé dans toute l’agglomération et un groupe de travail « Lieu collectif de proximité » réunissant sept associations porteuses de projet similaire, parfois antérieur à Chez nous, s’est mis en place : une personne a été embauchée pour accompagner chaque lieu et les aider dans leur gestion. Leur point commun révélé grâce à cette démarche : capter, à partir d’un lieu, les envies des habitants, valoriser leur savoir-faire, proposer des services liés aux besoins du territoire…

TEMPS FORT : Tous les 8 mars, journée internationale des Femmes, « Chez nous » ouvre ses portes à des associations luttant contre les violences faites aux femmes pour qu’elles exposent leurs actions. S’en suit un repas interculturel composé de mets des cinq continents. Dans l’après-midi, les femmes de l’association Tak-Chez nous relatent le séjour passé au Sud (durant lequel elles suivent une formation sur des techniques diverses, en 2013 ce fut le maraîchage en terre sèche) puis un débat sur la place de la femme dans la société civile au Sud et au Nord est organisé ; des femmes européennes, maghrébines et d’Afrique Noire y participent chaque année. La journée se clôt sur un « bal poussière », un dérivé du thé dansant pour personnes âgées.

ET DEMAIN ? : L’association cherche à déménager dans un local plus grand et dans un quartier plus proche du centre ville car parmi les clientes de « Chez nous » on trouve de plus en plus de femmes issues de milieux aisés désireuses à travers l’achat de services de participer au développement et à la solidarité.

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